Marino, un poète italien à la cour de France
Compartir en Facebook
Paris le 11 octobre 2025. Le napolitain Giovan Battista Marino se fait connaître avec les Rime, recueil de poésie publié à Venise en 1602. Alors qu’il entre au service du puissant cardinal Pietro Aldobrandini, ses sonnets sont mis en musique et se diffusent dans toute l’Italie. Sa nouvelle notoriété lui permet quelques voyages, notamment à Turin à la cour des ducs de Savoie, mais lui apporte aussi des mésaventures : une querelle avec Gaspare Murtola qui se solde par une tentative d’assassinat, un séjour en prison et l’ouverture d’une instruction par le Saint-Office de Rome pour impiété. Marino quitte Turin pour la France en 1615 ; la publication du recueil Il Tempio à Lyon en 1615 lui permet d’être reçu par Marie de Médicis, qui lui octroie une pension. Mais les tensions accumulées entre la mère et son fils Louis, qui font écho au mécontentement général face à l’ascension fulgurante du favori de la reine Concino Concini, éclatent lors de l’assassinat de ce dernier, le 24 avril 1617, et obligent Marino à prendre ses distances, au moins en apparence, avec le parti italien et à se rapprocher du jeune roi Louis XIII. Marino s’intègre au sein d’une cour de France à la fois éprise de culture italienne et travaillée par des courants italophobes, qui éclatent aux lendemains de l’assassinat de Concini. Bénéficiant de puissants soutiens, comme celui du nonce pontifical Guido Bentivoglio, il assiste sans doute à de nombreuses fêtes de cour, comme le ballet de La délivrance de Renaud (1617) inspiré de la Jérusalem délivrée du Tasse, qui marque symboliquement la prise de pouvoir de Louis XIII. À cette période, il devient peu à peu l’ambassadeur des lettres italiennes à la cour de France, chargé de présenter à la reine ou au roi les œuvres de compatriotes en quête d’un généreux patronage. Le séjour en France fut une période d’intense productivité pour Marino, qui publia deux recueils (Epithalami, 1616 et La Sampogna, 1620) ainsi que son grand poème mythologique, L’Adone (1623), dont la grande édition originale au format in-folio a été directement financée par Louis XIII. D’autres textes, composés en France, ne seront publiés qu’après son retour en Italie, voire après sa mort, comme la Sferza, ou la Strage degl’innocenti. Le recours à des imprimeurs parisiens, même non italophones, présentait de nombreux avantages : une liberté plus grande loin de l’Inquisition romaine, un suivi du travail auprès des ateliers, la possibilité d’élargir son lectorat auprès d’un public français. Lors de son séjour français, Marino enrichit sa collection personnelle par des acquisitions de dessins, estampes et tableaux ; parfois commandées directement aux artistes eux-mêmes, ces œuvres nourrissent son écriture et devenaient sources d’inspiration. Deux ouvrages de sa bibliothèque personnelle sont désormais identifiés avec certitude, réunis pour la première fois depuis la dispersion des collections du poète au lendemain de son départ de France. L’impression de l’Adone au printemps 1623 sonne la fin du séjour français de Marino. Son retour apparemment triomphal en Italie, dont témoignent plusieurs portraits dans lesquels l’artiste affiche sans complexe sa réussite littéraire et sociale, est cependant à nuancer : Maffeo Barberini devenu Urbain VIII rouvre le dossier à charge instruit par le Saint-Office, qui aboutira à l’inscription d’une partie importante de ses œuvres – notamment l’Adone – à l’Index. Malgré la condamnation du Saint-Office, les textes de Marino continuent à se diffuser pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, notamment en France. L’édition de 1623 de l’Adone est rapidement devenue un monument de bibliophilie que l’on retrouve dans de nombreuses bibliothèques choisies, tandis que des auteurs comme Georges de Scudéry ou Tristan L’Hermite vont s’inspirer des nouvelles formes introduites par Marino. Sa poésie connaît un regain d’intérêt dans les milieux libertins au XVIIe siècle, et plusieurs rééditions voient le jour dans la France des Lumières, qui hissent Marino au rang de classique italien. Commissaires d’exposition : Carlo Alberto Girotto (Université Sorbonne Nouvelle) & Florine Lévecque-Stankiewicz (Bibliothèques Mazarine & de l’Institut) Dates : 17 octobre 2025 – 17 janvier 2026 Lieu : Bibliothèque Mazarine – 23 quai de Conti, 75006 Paris Ouverture : du lundi au samedi, 10h-18h Fermeture les jours fériés, ainsi que les 24, 26 et 31 décembre 2025. Accès de l'exposition limité à 10-13h les jours de séances publiques de l’Institut : 21 et 28 octobre ; 5, 17, 19, 25 et 28 novembre ; 1er et 4 décembre 2025. La Bibliothèque Mazarine Les origines de la Bibliothèque Mazarine sont liées aux collections personnelles du cardinal Jules Mazarin, qui composaient au milieu du 17e siècle la bibliothèque privée la plus importante d’Europe, riche de 40 000 volumes manuscrits et imprimés, et ouverte aux savants et aux lettrés. Pour assurer sa pérennité, Mazarin joignit sa bibliothèque à l’institution qu’il fondait par testament : le collège des Quatre-Nations, destiné à la formation d’élèves issus des provinces nouvellement rattachées à la France. La construction du palais par Louis Le Vau à partir de 1662, en bord de Seine et vis-à-vis du Louvre, dotait Paris d’un ensemble architectural exceptionnel. De nouveau accessible au public en 1689, la bibliothèque Mazarine enrichit considérablement ses collections au moment de la Révolution grâce à l’activité de son bibliothécaire l’abbé Leblond. Depuis lors, elle développe ses ressources au moyen d’une politique d’acquisition principalement orientée vers les sciences historiques, et bénéficie de donations souvent importantes. Ouverte à tous, la Bibliothèque Mazarine est aujourd’hui rattachée à l’Institut de France, qui occupe depuis 1805 les bâtiments de l’ancien collège. Conservant plus de 600 000 documents, la Bibliothèque Mazarine est à la fois une bibliothèque d’étude et de recherche spécialisée dans les disciplines historiques, et l’une des plus riches bibliothèques patrimoniales de France. La bibliothèque de l’Institut de France La bibliothèque de l’Institut de France est commune aux cinq académies qui le composent : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques. Remontant pour la plupart au XVIIe siècle, ces académies furent supprimées en 1793 puis recréées en octobre 1795 sous le nom d’Institut national. La création de la bibliothèque accompagna celle de l’Institut, de par la volonté de ses fondateurs. Soucieux de créer un lien avec l’ensemble de la communauté intellectuelle, l’Institut prévoyait dès son règlement d’août 1796 que ses membres pourraient permettre à des personnes extérieures d’accéder à la bibliothèque, et ce principe est toujours en vigueur. La bibliothèque occupe son emplacement actuel depuis l’installation de l’Institut en 1806 dans l’ancien collège des Quatre-Nations, devenu Palais de l’Institut. Ses collections, très variées et particulièrement riches pour l’époque moderne et contemporaine, sont estimées à 1 500 000 imprimés et plus de 10 000 manuscrits, sans compter des milliers d’estampes, cartes et plans, dessins, photographies, ainsi que des médailles et divers objets. A la fois outil de travail et mémoire de l’Institut, la bibliothèque a une vocation patrimoniale et de recherche. Elle recueille la production des académies et des membres de l’Institut et les écrits qui leur sont consacrés, et collecte une documentation française et internationale conforme aux orientations des travaux des académies. Elle est aussi dépositaire de collections de documents rares et précieux hérités de son histoire ou confiés par des donateurs. Félix José Hernández.
Compartir en Facebook