Ce que la Palestine apporte au monde
Compartir en Facebook
Paris le 3 août 2023. La Révolution française a instauré, sans l’avoir initialement prémédité, le principe du musée ouvert à tous les citoyens et citoyennes, leur permettant d’admirer librement des œuvres et des chefs-d’œuvre, qu’il s’agisse des arts plastiques ou des sciences. Le musée « national », quant à lui, témoigne de la volonté d’un État de réunir une collection qu’il destine à cultiver et à délecter son peuple. Cette collection peut se cantonner aux arts et aux sciences de la patrie ou avoir une perspective universelle. Des musées existent en Palestine, pourquoi en irait-il ici différemment qu’ailleurs ? En apportant le monde en Palestine et en montrant la Palestine au monde, l’exposition croise deux projets palestiniens avec la collection du musée de l’Institut du monde arabe. L’IMA abrite depuis 2016 la collection du Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine, une collection solidaire composée de dons volontaires d’artistes des cinq continents, auxquels il a été demandé de choisir parmi leurs travaux ce qu’ils souhaitaient donner à voir aux Palestiniennes et Palestiniens. Le choix d’œuvres exposées, dans la diversité des courants allant de l’informel à l’hyperréalisme, opère une rencontre de questionnements communs aux artistes et à leur futur public : que veut dire être humain, dans son corps et son identité, et que signifie vivre, pour soi et avec ou parmi les autres ? Exister c’est aussi avoir des aspirations, des rêves individuels ou collectifs, vecteurs aussi bien d’une attente entre espoir et incertitude, que d’un mouvement afin d’y parvenir ou fuir un impossible quotidien. Au sein de cet accrochage, le projet du Musée Sahab (« nuage » en arabe) s’interroge, lui, sur comment traiter le passé, agir dans le présent et imaginer un futur en Palestine. Ce projet est porté par le collectif Hawaf (« marges » en arabe), initié par trois artistes visuels – Mohamed Abusal à Gaza, Mohamed Bourouissa à Paris, Salman Nawati en Suède – et une architecte – Sondos EL-Nakhala à Gaza –. Son ambition est de rebâtir une communauté à Gaza, qui sera partie prenante dans la construction du musée Sahab par le biais d’ateliers réunissant artistes de toutes les disciplines et habitants. À l’aide des technologies de la réalité virtuelle et la création d’œuvres d’art digitales autour du patrimoine palestinien, le musée sera ainsi accessible aux publics de Palestine et du monde. Quant à la collection moderne et contemporaine du musée de l’IMA, elle inclut des œuvres d’artistes, femmes et hommes, palestiniens et du monde arabe témoignant et dénonçant le sort fait au peuple palestinien depuis la Nakba en 1948. Ces œuvres disent leurs déplacements journaliers entravés, leur existence intime, leurs interactions dans un espace public contraint ; elles sont relayées par le souffle du poème de Mahmoud Darwich, « Éloge de l’ombre haute », qu’il déclama devant le parlement palestinien en exil à Alger, en février 1983. Sa poésie n’a cessé de guider la main de nombre de plasticiens, de toutes nationalités, qui font écho à la lutte palestinienne pour retrouver une liberté sur une terre dont une population a été dépossédée. L’exposition ne se veut pas une chronique victimaire ; son accrochage ménage des rencontres, des échos, des parallèles parfois inattendus, qui invitent, par le regard, à imaginer un avenir… désirable. Images de Palestine : une Terre sainte ? Une terre habitée ! Les deux registres d’images de cette exposition, prises au XIXe siècle et de nos jours, partagent un medium commun, la photographie, et une réalité commune, la Palestine. Pourtant tout sépare, distingue et oppose ces deux ensembles par-delà leur « différence d’âge ». Mis en dialogue, ce sont deux modes du voir, deux regards, deux conceptions de La Palestine. Le premier regard, orientaliste, aura de lourdes conséquences, des décennies durant, faisant de la Palestine une Terre sainte, figée dans le temps, prisonnière d’un passé jamais révolu, promise à une quête infinie d’une gloire ancienne, en attente de ses sauveteurs « légitimes », missionnaires et colons, pour revenir à la vie. Cet ensemble réunit une trentaine de vues avec des paysages, des scènes de genre et des portraits, tirées selon le procédé Photochrom, breveté en 1889 par le Suisse Orelle Füssli. Cette technique consistait à reporter le négatif d’une photographie sur des pierres lithographiques – jusqu’à 14 – dont la superposition des encres transparentes aboutissait à une impressionnante variété chromatique tout en autorisant des retouches. La société Photoglob Zurich, qui puisa sans vergogne ni droits d’auteur dans les œuvres des photographes du XIXe siècle, commercialisa ces lithographies sous l’étiquette PZ auprès des pèlerins et touristes venus en Palestine. Le procédé Photochrom fut supplanté dès 1910 par la mise au point de la pellicule couleur. Le second regard, contemporain – un siècle plus tard – manifeste l’énergie vitale de créatrices et créateurs. Il souligne leur inventivité faite d’humour et d’autodérision, qui les porte par la force de leur sensibilité à surmonter la pesanteur de leur quotidien. À Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem, de la Palestine historique et de la diaspora, ils et elles relient l’art, l’espace public et sa réappropriation par le corps qui l’habite tout autant qu’il le performe. La sélection rassemble une diversité de photographes nés entre les années 1960 et 1990 : Shady Alassar, Mohamed Abusal, Rehaf Al Batniji, Taysir Batniji, Raed Bawayeh, Tanya Habjouqa, Rula Halawani, Maen Hammad, Hazem Harb, Safaa Khatib, Eman Mohamed, Amer Nasser, Steve Sabella, Raeda Saadeh, dont les œuvres ont toutes été exécutées après les années 2000. Se voulant une ode à la créativité contemporaine de Palestine, cette exposition réunit des artistes qui repensent le territoire et proposent des regards décalés et ardents sur la vie quotidienne sous occupation. La Palestine n’est plus ici fantasmée ni stéréotypée, mais bel et bien habitée et incarnée, à travers le regard – et le corps – d’artistes. Le pari de l’accrochage est de donner à voir des œuvres qui libèrent l’espace mental et l’imaginaire, qui créent du possible et du dialogue entre la Palestine et le monde, qui proposent des identités nouvelles au pays. Par des styles très personnalisés, ces artistes revendiquent leurs droits, autant d’auteurs que de citoyens : à créer, à s’exprimer, à circuler, à se divertir à imaginer, en somme à vivre « normalement ». SPECTACLES Du légendaire Théâtre national palestinien Al Hakawati, à des musiciens de renommée internationale tels que le Trio Joubran ou Faraj Suleiman, en passant par des hommages à la poésie de Mahmoud Darwich ou d’Edward Said, les spectacles invités mettent en lumière la vivacité de la scène contemporaine palestinienne, et notamment musicale. Artistes emblématiques et plus émergents, qui puisent aux sources de la tradition pour créer des sons électroniques et rap ; chansonnières à la parole lucide qui transcende les frontières ; chaque piste est explorée pour inviter le public à enrichir son expérience de la Palestine. CINÉMA L’année 2023 commémore le 75ème anniversaire de la Nakba. Une vingtaine d’années plus tard, l’Unité cinéma palestinienne du Fatah entame la réalisation de films militants, de dénonciation de la situation palestinienne, avec comme objectif la constitution d’archives, pour témoigner et faire exister un peuple qui manquait de visibilité, de territoire et de reconnaissance. Le cinéma palestinien s’est développé avec l’arrivée de jeunes cinéastes talentueux qui se sont imposés sur la scène internationale. Ce temps fort dédié à la Palestine est l’occasion de voir l’évolution du cinéma palestinien au cours des dernières décennies. De Ghassan Kanafani ou Naji Al-Ali à Jean Genet, la programmation explore, à travers documentaires et fictions, en partenariat avec le Festival Ciné-Palestine, la Cinémathèque de Toulouse, Netflix…, toutes les facettes d’un cinéma qui contribue au quotidien à mieux appréhender la Palestine et son apport au monde. RENCONTRES ET DÉBATS Onze tables-rondes, présentations d’ouvrages, ciné débats, réunissent chaque mois pour deux à trois rendez-vous des panels d’intellectuels, chercheurs, auteurs, acteurs de la société civile, journalistes palestiniens et français autour de thématiques clés. « L’Archéologie », « Ce que l’art peut en Palestine », « Les nouvelles formes de résistance » ou encore « La vie quotidienne en Palestine », entre autres nombreux sujets abordés, permettent d’éclairer notre appréhension de l’histoire, de l’actualité et des dynamiques contemporaines d’une société palestinienne en mouvement. LITTÉRATURE Les Rencontres littéraires de l’IMA mettent à l’honneur les auteurs palestiniens contemporains dont il est parfois rare d’entendre les voix en France. Mohammad Sabaaneh, Nathalie Handal, Jadd Hilal, Karim Kattan ou encore Carole Sansour sont quelques-unes des figures invitées qui portent des écritures incarnées, vivantes – à l’écart des représentations occidentales – au croisement de la prose, de la poésie, du roman et du récit graphique. PUBLICATION Araborama / Ce que la Palestine apporte au monde Si la Palestine embrase les territoires, les médias et les réseaux sociaux, il semble plus que jamais nécessaire de donner à voir et à comprendre les réalités de ce pays et de son peuple. Le troisième numéro d’Araborama – une collection lancée en 2020 par l’Institut du monde arabe et le Seuil pour décrypter les mondes arabes et mieux les saisir dans leur complexité, leur inventivité et leur pluralité – propose un retour aux fondamentaux historiques, un état des lieux des forces politiques en présence, une réflexion sur les figures palestiniennes éminentes. Le regard porté sur la Palestine sort du prisme du conflit pour révéler ce qu’elle est et ce qu’elle inspire au monde. Articles, témoignage, entretiens, bandes-dessinées et illustrations ; au féminin comme au masculin, historiens, philosophes, écrivains, journalistes, militants, artistes et créateurs, bâtisseurs du monde arabe partagent par leurs analyses et lectures leur regard sur la Palestine. Contributeurs : Christophe Ayad, Bertrand Badie, Farah Barqawi, Jean-Paul Chagnollaud, Leyla Dakhli, Jean-Pierre Filiu, Sabyl Ghoussoub, Jadd Hilal, Bernard Hourcade, Karim Kattan, Abdellatif Laâbi, Henry Laurens, Elias Sanbar, Shlomo Sand, Larissa Sansour, Leïla Shahid, Dominique Vidal... Disponible en librairie - 330 pages - 25 € Jack Lang Président Annette Poehlmann Secrétaire générale DIRECTION DU MUSÉE ET DES EXPOSITIONS Nathalie Bondil, conservatrice, directrice Élodie Bouffard, responsable des expositions COMMISSARIAT Commissaire général Élias Sanbar, écrivain, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO, président du conseil d’administration du Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine Commissaire associée Marion Slitine, chercheure post-doctorale, EHESS/MuCE. Institut du monde arabe.01, rue des Fossés-Saint-Bernard Place Mohammed V – 75005 Paris. Horaires Du mardi au vendredi de 10h à 18h, samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 19h Fermé le lundi Tarifs. Plein : 10 €, 8 € (réduit) et (-26 ans) 5 €. Félix José Hernández.
Compartir en Facebook