Crónica de Cartas a Ofelia

Il n’y a pas de monde achevé pour André Masson au Centre Pompidou de Metz
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	André Masson, Meditation on an Oak Leaf, 1942 Tempera, pastel and sand on canvas, 40 x 33’ New York, Museum of Modern Art.
Metz le 15 juillet 2024. Engagé et sensible aux bouleversements de son siècle, qu’ils soient historiques ou intellectuels, André Masson (1896-1987) est l’un des plus grands peintres du XXème siècle. Sa présence non doctrinaire parmi les surréalistes, l’invention du dessin automatique et des tableaux de sable, ses complicités fructueuses avec les artistes et penseurs de son temps, l’influence de ses dessins et de ses toiles sur les débuts de l’expressionnisme abstrait américain, forment la part la plus connue de son œuvre qui reste encore à lire dans la puissance de sa globalité. Peintre expérimentateur de techniques nouvelles et dessinateur hors-pair, Masson fut aussi sculpteur, créateur de décors de théâtre et d’opéra, critique d’art, lecteur insatiable à la culture encyclopédique, féru de mythologie et de philosophie occidentale et extrême-orientale, poète et écrivain remarquable. Esprit libre et révolté, son œuvre est traversé par la conviction profonde que « la seule justification d’une œuvre d’art […] est de contribuer à l’élargissement de l’être humain, à la transmutation de toutes les valeurs, à la dénonciation de l’hypocrisie sociale, morale et religieuse et par conséquent à la dénonciation de la classe dominante, responsable de la guerre impérialiste et de la régression fasciste ». À l’occasion du centième anniversaire du Manifeste du surréalisme, le Centre Pompidou-Metz rend hommage à la personnalité exceptionnelle d’André Masson dont la pensée émancipatrice demeure puissamment actuelle. L’exposition retrace son parcours protéiforme, ouvert aux collaborations et au monde, en quête d’une incessante expérimentation guidée par la « dictée de l’inconscient » et un désir d’infini. Cette grande rétrospective explore les différentes facettes du travail d’André Masson ainsi que ses liens étroits avec les intellectuels, poètes, cinéastes, dramaturges et artistes de son temps. Son déroulement chronologique s’ouvre sur les forêts et les premiers dessins érotiques réalisés quelques années après la Première Guerre mondiale, dont l’empreinte indélébile ne cesse de hanter l’œuvre de Masson. Enchevêtrements de branches et de corps reflètent son inquiétude face à l’étrangeté du monde. La série des joueurs et des hommes dans un intérieur, auxquelles il s’attèle parallèlement, traduisent ses affinités avec le cubisme et l’atmosphère de son atelier rue Blomet, où il s’installe en 1923. S’y retrouvent de nombreux artistes, poètes et écrivains tels Antonin Artaud, Roland Tual, Michel Leiris, Georges Limbour, Joan Miró et bientôt André Breton. Lieu de réunion présurréaliste, l’atelier est un véritable foyer de dissidence où se multiplient les échanges intellectuels et les parties de cartes. Dès décembre 1923, l’artiste crée ses premiers dessins automatiques, anticipant l’écriture automatique que Breton théorise dans son Manifeste Surréaliste en 1924, acte fondateur du mouvement auquel Masson adhère avec ses amis et dont il s’affranchit à plusieurs reprises. Dans les années qui suivent, André Masson ambitionne de prolonger son geste automatique en peinture. Entravé cependant par le support de la toile et par la préparation des couleurs, il parvient à développer ce geste grâce au sable, qu’il répand sur une toile après y avoir jeté des flaques de colle. Ce nouveau procédé pictural fait de l’artiste l’un des premiers peintres gestuels. Au début des années 1930 apparaissent ses séries de massacres et d’abattoirs, probables ressac de la violence éprouvée sur les champs de batailles, explorations des thèmes du sacrifice archaïque, de la tragédie et de la mythologie. Sa récente rupture avec le mouvement d’André Breton ne l’empêche pas de continuer à exposer avec les peintres surréalistes et de participer aux revues Acéphale et Minotaure dès 1934. Les violentes manifestations des ligues d’extrême droite en 1934 poussent André Masson et sa famille à fuir vers l’Espagne. À son arrivée, l’artiste est pris dans la Révolution asturienne. Son engagement pour la liberté se traduit notamment par de nombreuses caricatures politiques publiées clandestinement dans des revues antifascistes. Renonçant à partir comme on le lui suggère, l’artiste s’engage dans un long voyage à pied en Andalousie ; en résultent une série de paysages métaphysiques hallucinés. L’aspect magnétique du sol espagnol inspire ses séries sur les moissons et les insectes, où les mantes-religieuses font rage. Parallèlement, André Masson assiste à des corridas dont il retranscrit en peinture la dimension cérémonielle, la présence écrasante du soleil et l’esthétique du spectacle. La seconde période surréaliste d’André Masson, initiée à la fin de l’année 1936, correspond non seulement au moment où l’artiste se réconcilie avec André Breton, mais également à un changement d’orientation de son imagerie. Ses œuvres se font alors plus illusionnistes, elles plongent le spectateur dans les dédales mythologiques d’un monde en perpétuelle métamorphose. Jacques Lacan, qui rencontre André Masson à cette période, acquiert le premier dessin des Mythologies de la nature. Avec les Mythologies de l’Être, ce grand album de dessins contient toute la philosophie de l’artiste, basée sur l’anthropomorphisme de la nature et la végétalisation de l’humain. En 1940, la famille Masson se réfugie à Marseille et embarque le 31 mars pour les États-Unis. Durant une escale marquante de trois semaines en Martinique, André Masson guidé par Aimé Césaire visite l’île et dessine d’après nature en imaginant « une nouvelle mythologie végétale ». Édouard Glissant, âgé de treize ans passe des soirées entières avec André Breton, André Masson, Claude Lévi-Strauss. Des années plus tard il reviendra sur la relation des poètes antillais au surréalisme. Arrivés à New York, Masson et ses proches s’installent « en pleine solitude, sur les bords du lac Waramaug, entouré de forêts, à New-Preston dans le Connecticut ». Le peintre, fasciné par les contrastes climatiques extrêmes du continent et les paysages éblouissants qui en émanent, recherche des correspondances picturales à l’expression des forces élémentaires et des phénomènes de germinations et d’éclosions. Sa mythologie personnelle s’enrichit de celles des nations amérindiennes et la prolifération graphique de sa peinture atteint son paroxysme. Ses expérimentations jouent un rôle déterminant pour les jeunes peintres américains tels Jackson Pollock et Arshile Gorky. Après avoir à nouveau rompu avec André Breton, Masson rentre en France en octobre 1945. Il crée des « toiles-monuments » rendant hommage à la résistance et à l’intensité des souffrances endurées. Installé au Tholonet, à proximité d’Aix-en-Provence, sa peinture témoigne d’une recherche d’osmose avec la nature et ses éléments (cascades, vent, montagne…). Le paysage prend une importance nouvelle, s’inspirant de la Provence mais aussi de ses voyages en Italie. En 1947, les Vingt-deux dessins sur le thème du désir, résurgence du dessin automatique, nés d’un état proche de la transe, offrent une nouvelle plongée dans l’inconscient du désir. Au milieu des années 1950, André Masson revient à une écriture proliférante. Des réminiscences de la violence et du thème de la guerre alternent avec une recherche sensorielle atmosphérique, en quête d’infini : « il n’y a plus que le mouvement » écrit, celui qui fit de la métamorphose, de la fusion de tous les éléments, les maîtres-mots de sa création. Près d’un demi-siècle après l’exposition anthologique organisée par le Museum of Modern Art à New York en 1976, puis aux Galeries nationales d’expositions du Grand Palais en 1977, et plus de quarante ans après l’hommage qui lui fut consacré à l’occasion de son 85ème anniversaire par le Centre Pompidou, le Centre Pompidou-Metz rassemble près de 200 œuvres, entre peintures, dessins, sculptures, revues, livres illustrés et archives inédites, en provenance d’importantes collections publiques nationales et internationales (Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Museum of Modern Art et Solomon R. Guggenheim à New York, Baltimore Museum of Art, collection Peggy Guggenheim à Venise, Museo Nacional Centro Reina Sofía à Madrid…). D’importants chefs-d’œuvre issus de collections particulières américaines, allemandes, suisses, belges, italiennes et françaises enrichissent également cette présentation. Forte de ces prêts exceptionnels, l’exposition met en lumière toute la richesse et la singularité de celui qui se nommait lui-même le « rebelle » du surréalisme. Du 29 mars au 2 septembre 2024 Galerie 3 Commissariat : Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Met CENTRE POMPIDOU-METZ 1, parvis des Droits-de-l’Homme CS 90490 - 57020 Metz HORAIRES D’OUVERTURE Tous les jours, sauf le mardi et le 1er mai 01.11 > 31.03 LUN. \| MER. \| JEU. \| VEN. \| SAM. \| DIM. \| 10:00 – 18:00 01.04 > 31.10 LUN. \| MER. \| JEU. \| 10:00 – 18:00 / VEN. \| SAM. \| DIM. \| 10:00 – 19:00. Félix José Hernández.
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